LE POINT DE VUE
Plongée et contre-plongée : un autre point de vue sur le monde
J’aime assez l’analogie du terme « point de vue » qui signifie à la fois « avoir un avis, une idée sur un sujet » et la façon dont le photographe cherche le meilleur angle pour présenter son sujet.
Car l’acte créatif est l’art de transmettre une idée, une émotion, une sensibilité. Il permet à l’artiste de donner à voir sa vision des événements, de son environnement, du monde dans lequel il vit, de ce qui le fait vibrer. Il étonne, il surprend, il interpelle, il donne à réfléchir, il aide à prendre du recul.
Bref, trouver le meilleur point de vue ne sert à l’artiste, ni plus ni moins, qu’à exprimer sa « façon de voir ».
C’est pourquoi choisir le bon point de vue est essentiel en photographie car c’est un moyen extrêmement puissant pour mettre en scène son image.
Un bon photographe n’est pas celui qui maîtrise le mode Manuel, mais celui qui peut plier les genoux, qui n’hésite pas à s’allonger par terre ou qui sait prendre de la hauteur. C’est un photographe qui est curieux, ouvert, et qui cherche toujours une vérité derrière les apparences.
C’est donc un photographe qui a un « point de vue », qu’il exprime avec ses images.
Une dimension artistique
Techniquement parlant, naturellement, et majoritairement, nous percevons de notre environnement en priorité tout ce qui se trouve à notre hauteur.
Lever ou baisser la tête pour voir quelque chose n’est pas naturel : c’est un acte conscient, volontaire, réfléchi ou dicté par une nécessité.
Faites le test : tournez votre tête de gauche à droite : la rotation s’effectue sur environ 120°. Essayez maintenant de bas en haut : dans le meilleur des cas, ce mouvement s’effectuera sur 90 ° !
C’est une des raisons pour lesquelles le photographe aime intégrer une dimension qui implique une autre vision que latérale dans sa création. Car pour lui, donner à voir des sujets photographiés du dessus ou, si vous préférez du haut vers le bas (plongée) ou du dessous, c’est à dire du bas vers le haut (contreplongée) est devenu une façon naturelle de « donner son point de vue ».
On a (presque) toujours le choix !
Certes, nous sommes entourés d’objets plus hauts ou plus bas que nous, qui nous obligent à regarder vers le haut ou vers le bas.
C’est le cas sur ces deux photos où, à moins de disposer d’un drone pour la première, ou d’aller patauger dans la vase pour la seconde, les options sont plutôt limitées quant au point de vue.
Parfois il n’y a vraiment rien à faire, mais beaucoup plus souvent qu’on ne le pense, il existe des alternatives, qui lui permettent de tourner à son avantage une situation qui lui est imposée et a priori défavorable.
On peut s’en éloigner par exemple. Cela ne qui ne change rien à la taille du sujet et du photographe en valeur absolue, mais réduit l’angle selon lequel ce dernier le voit. C’est à dire que cela réduit leur taille relative. Photographié de très loin, l’angle est tellement réduit que la différence de taille s’estompe, voire s’inverse.
Sur la première des deux photos suivantes par exemple, l’église, avec l’éloignement, paraît ridiculement petite. Sur la deuxième, elle ne paraît pas plus grande que les casiers des pêcheurs.
Voici par exemple 4 photos du même sujet : un escalier. Pour la première photo, je m’en suis rapproché suffisamment pour ne cadrer que sur lui. Mais pour éliminer les tours, je m’en suis approché davantage. L’aspect très graphique de ces images est dû au point de vue en contre-plongée et le choix de prendre des photos de détails, isolées de leur environnement.
Les utilisations de la plongée
Prendre de la hauteur
Dès que l’on prend de la hauteur, pour continuer sur l’analogie du début, on a les idées plus claires, moins entravées par les aspects inutiles de la pensée. Pour le photographe, cela signifie qu’il élimine les obstacles, que son point de vue et son champ de vision s’élargissent, lui offrant des panoramas inaccessibles sans cela. Du simple marchepied à la montagne, en passant par les clochers des églises ou les châteaux dominant les vallées ou plus simplement en photographiant du premier étage d’une maison ou d’un bâtiment public, ne ratez jamais l’occasion de prendre de la hauteur si vous devez élargir votre champ de vision. Et plus ce sera haut, plus ce champ s’élargira.
Revenons sur terre !
Comme je le disais plus haut, si vous voulez embrasser un champ de vision un peu plus large, n’hésitez pas à monter sur une chaise, un marchepied, un petit muret ou au premier étage de la maison pour prendre des photos.
Sur la première photo, on ne voit pas ce que fait cette chercheuse. Sur la deuxième, j’ai pris la photo à bout de bras : la scène est dégagée et lisible.
Les inconvénients de la plongée
L’inconvénient principal, c’est que mal utilisée, la plongée rapetisse le sujet exagérément.
Cette photo par exemple, représente une aire de jeu sur la plage de Saint-Malo. Graphiquement, je la trouve intéressante, mais les personnages sont minuscules !
Des plongées de plus en plus profondes !
Il y a différents degrés dans la plongée, et, comme nous l’avons vu, différentes utilisations possibles.
Il y a un domaine en particulier où la plongée est peu utilisée, c’est celui du portrait. Pourtant, j’aime incorporer, quand cela s’y prête bien entendu, une légère plongée dans ce type de prise de vue. Je trouve que cela communique une certaine intimité avec les personnes.
Assurément, le surplomb a un côté créatif qui interroge tant il est inhabituel. Techniquement, il n’est pas toujours très facile à prendre. Car soit il faut se pencher énormément pour éviter de s’inclure dans l’image, soit il faut prendre la photo « en aveugle » avec l’appareil à bout de bras.
En tout cas, ce type d’image répond bien à l’exigence, pour le photographe, d’assumer ses photos et « son point de vue ».
La contre-plongée
On pourrait penser, qu’il suffit de reprendre tout ce qui a été dit pour les images en plongée et de tout inverser pour comprendre ce qu’est la contre-plongée. Ce n’est que partiellement vrai.
Techniquement, elle est intéressante car elle permet de prendre le ciel comme fond et ainsi d’isoler le sujet en le débarrassant de tout décor inutile.
Une plongée « à l’envers » ?
Certes, autant la plongée rapetisse, autant la contre-plongée grandit et donne de l’importance au sujet.
Du « pep’s » dans vos photos !
Mais l’atout principal d’un point de vue en contre-plongée, c’est de donner du caractère à vos images.
Une dimension spirituelle
Les anciens concevaient leurs monuments religieux comme une manière de s’élever vers Dieu. En gagnant en hauteur, ils forçaient les fidèles à lever la tête de plus en plus haut : l’élévation des lieux devait conduire à l’élévation des âmes.
Mais il peut se trouver dans des gestes qui, sans avoir de connotation religieuse, sont emprunts d’une certaine spiritualité. Comme dans cette photo, que j’ai délibérément prise en contre-plongée, où la position des bras tendus et des mains ouvertes vers le ciel est un exercice de bien-être et d’écoute intérieure.
La contre-plongée absolue
Elle est l’inverse du surplomb, et bien plus inhabituelle, car regarder en l’air, juste au dessus de soi, est beaucoup plus difficile que de regarder ses pieds !
- Plongée et contre-plongée donnent un point de vue inhabituel : ils ont toute leur place dans l’arsenal créatif du photographe
- Opter pour tel ou tel point de vue doit renforcer l’image et ce qu’elle est censée transmettre
- Plongée et contre-plongée permettent de mettre des éléments d’une scène en perspective
- Elles ont leur propre signification : il faut en user avec discernement
Et maintenant ?
Prenez votre appareil avec vous et sortez prendre des photos en plongée et contre-plongée !
Encore une fois, pas besoin de « faire des trucs d’intellos » ! La photo doit rester un plaisir.
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