Un point, c’est tout !

 

L’élément premier d’une composition est le point

 

Comment ? On peut faire une photo avec comme sujet un seul point ?

Mais oui, certainement, et je suis sûr que vous n’aurez pas de mal à en trouver dans votre collection d’images !

La question du point est rarement évoquée dans les articles ou les tutos photo, c’est la délaissée des éléments de composition ! Pourtant, vous allez le voir, son importance est capitale !

L’intérêt d’un point unique, c’est que sujet est facilement identifiable. Et vous savez tout le bien que je pense des sujets simples et immédiatement perceptibles (cf. article « quel est le sujet ? »)!

Pour autant, le point pose un problème crucial : son placement sur la feuille. Et plus ce point est petit, plus ce problème est critique…

En effet, on définit un point comme n’occupant qu’une petite portion de la surface, si bien qu’il y a une multitude de possibilités de le placer dans l’espace vide autour de lui.

Quel sera le meilleur emplacement ?

C’est au photographe, c’est à dire à vous, d’en décider.

 

Un point est rarement bien placé au centre

 

Voici une photo dont le sujet, petit par la taille par rapport à la surface de l’image, est considéré comme un point : vous n’aurez pas de mal, je pense, à le reconnaître. Il s’agit de la photo telle que je l’ai saisie, sans retouche ni recadrage :

Par la magie du détourage dans Photoshop, qui, ici, ne posait aucune difficulté, je me suis amusé à déplacer le goéland sur la photo, pour choisir le meilleur endroit où le placer, à mon goût en tout cas.

Ouvrons et refermons tout de suite rapidement une parenthèse : a-t-on le droit de modifier une photo de la sorte ? La réponse est OUI : la liberté de création n’a pas de limites. Les seules limites, ce sont celles que vous vous fixez vous-même. Fin de la parenthèse.

Donc, j’ai déplacé le goéland pour le placer dans différents endroits de la feuille. J’ai commencé par le milieu, pour vérifier la théorie selon laquelle l’image est statique lorsque le sujet est placé au centre.

Et effectivement, on ne comprend pas bien cette position : le goéland est en mouvement et, placé au centre de l’image, à cause des bords du cadre il est à mi-chemin de l’endroit d’où il vient et de l’endroit où le cadre l’arrêtera. Pour dire autrement les choses, puisque quelque part, ce mouvement induit un espace-temps, il n’a pas plus de passé que d’avenir. C’est triste, non ?

 

Là où la règle des tiers intervient

 

En me référant à l’un des précédents articles de ce blog (cf. « la règle des tiers »), j’ai donc placé mon goéland sur chacun des points forts de l’image. J’ai constaté deux choses :

  1. Le sens du mouvement du goéland étant de gauche à droite, il est mieux placé sur la ligne de force de gauche, qui lui laisse plus d’espace devant. Dans ce cas, on privilégie « l’avenir », ou, si vous préférez, le « devenir », qui est un choix dynamique, au « passé », plus statique.
  2. Pour la même raison, le vol se dirigeant vers le bas, la position la plus naturelle, ou logique, est de le placer sur la ligne de force supérieure.

Voici ces quatre photos :

 

Ne dites jamais « un point c’est tout » ! : testez

 

J’ai fait d’autres essais.

Le premier d’entre eux a été de placer le goéland sur le bord droit de l’image, pour voir ce que ça ferait… Le pauvre : s’il bouge encore de quelques millimètres, il va s’écraser et tomber raide mort. Sauvage !

Finalement, j’ai opté pour une position plus à gauche et plus en hauteur que le point de force précédent. Ce qui, toujours à mon goût, est celle qui dynamise le plus cette photo et qui sollicite davantage l’imagination : quelle va être sa destinée ? Ce sera donc mon choix final.
J’ai adopté le même principe pour la photo suivante. Au moment de la prise de vue, je n’ai pu éviter, avec l’effet de filé, de fixer le sujet au centre. Par simple recadrage, je l’ai donc déplacé vers la gauche, en en profitant pour le placer un peu plus haut, ce qui, du même coup, m’a permis de supprimer le ciel et les tons clairs de l’écume qui perturbaient la lecture de l’image.

 

Un point minuscule peut avoir une grande force !

 

Dans la photo suivante, l’oiseau, posé sur un fil électrique, évoque par sa solitude et sa taille minuscule qui se détache néanmoins sur ce ciel quelque peu menaçant, la fragilité de son existence. Notre regard, guidé par les lignes formées par les fils électriques y est naturellement conduit et ne peut plus s’en détacher !

Cette photo est telle que je l’ai voulue dès la prise de vue. Il a fallu être rapide, car l’oiseau s’est presque aussitôt envolé !

 

En fonction de sa position sur l’image, un point peut raconter telle ou telle histoire

 

Dans cette photo, les deux humains, en raison du contraste des tonalités avec le reste de l’image, ne forment qu’un point.

Leur placement à droite de l’image, également décidé à la prise de vue, laisse un grand « espace négatif » (cf. article « la règle des tiers« ) derrière eux. J’ai simplement imaginé que dans leur histoire, là d’où ils venaient (le temps passé au bord de la mer) était plus important que là où ils allaient (ils vont probablement rentrer chez eux). Que le souvenir de ce qui venait de se passer était plus important que ce qu’ils allaient vivre maintenant.

C’est cette ambiance, totalement subjective et sortie tout droit de mon imagination, que j’ai voulu traduire. Si j’avais inversé la position et laissé plus d’espace devant les personnages que derrière, l’histoire et l’ambiance auraient été différentes. Ni meilleures, ni moins bonnes : simplement différentes. Qu’en pensez-vous ?

 

2 points, ouvrez les guillemets !

 

Une exigence supplémentaire

 

Nous avons vu combien le placement d’un point revêtait une grande importance. Et bien, avec deux points, c’est tout aussi important, mais avec une difficulté supplémentaire : dès que deux éléments figurent sur une même surface, non seulement leur placement sur cette surface est déterminante, mais il faut également gérer l’interaction qu’ils vont avoir entre eux.

En outre, ce travail doit être résolu dès la prise de vue : sauf à réaliser un travail de retouche important, l’écart entre ces deux points y sera définitivement fixé.

Voici, par exemple une photo où les deux points, représentés par les bouées rouge et verte, sont sur le même alignement. Clairement, cette photo n’a aucune intention artistique. Tout au plus a-t-elle une finalité didactique : montrer que le bateau doit passer entre les deux bouées pour ne pas s’échouer, et que, d’après leur position, le port est à droite.

 

Avec deux points, trouver le bon écart

 

Avec leur placement sur l’image, l’écart entre les deux points est la chose à laquelle il faut faire le plus attention.

Trop près l’un de l’autre, ils se confondent. Trop loin, leur relation est trop distendue et se perd.

Voici trois photos où les deux points (les feux d’entrée de chenal) sont photographiés avec des écarts différents. La troisième me semble la meilleure : c’est celle qui montre davantage l’entrée du chenal, et qui établit donc directement l’utilité de ces feux à cet endroit. Mes camarades « voileux » me comprendront sans peine : la sécurité, c’est le rouge bien à bâbord et le vert bien à tribord !

 

Pour une meilleure visibilité de vos points, préférez un fond uni

 

Si vos points se confondent avec le reste de l’image, ils perdent de leur force. Les meilleures photos sont celles où les points se détachent bien sur un fond uni, ou, tout du moins, où aucun élément ne vient en détourner le regard.

Regardez les deux photos suivantes : laquelle vous semble la meilleure ?

 

Les petits points ne sont pas des petits poids…

 

C’est une autre façon de dire que sur une image, chaque élément a un poids visuel, qui peut être déterminé par la surface qu’il occupe sur la feuille, relativement à celle des autres, mais pas seulement : la luminosité, la couleur et bien d’autres facteurs entrent en jeu.

Le format de cet article ne nous permet pas de développer davantage, mais voici tout de même deux exemples pour illustrer cela.

Dans la première image, l’écart entre le petit voilier et le gros voilier qui le suit est un peu trop resserré pour équilibrer la photo. En ne conservant que la couleur bleue de la coque du petit voilier, l’équilibre est meilleur : malgré sa plus grande taille, le grand voilier attire moins les regards.

 

Application pratique de l’utilisation du poids des points

 

Voici une séquence (résumée) de l’approche que l’on peut avoir d’un moment de prise de vue. Je me trouvais près d’une belle barque jaune, et j’ai tout de suite remarqué les bouées d’orin que j’ai aussitôt décidé d’incorporer dans mon image.

Après plusieurs tentatives, j’ai fait cette photo où les bouées me semblaient bien placées :

Mais quelque chose me gêne dans cette photo : la barque est trop « envahissante ». J’aurais plutôt souhaité l’utiliser comme sujet secondaire, comme accent, ou renforcement des bouées, pour juste établir une relation entre eux, mais sans ostentation.

J’ai donc fait quelques pas et j’ai pris cette photo, qui, même si elle ne répondait pas à mon attente, aurait pu être une bonne photo. Ce qui, à l’évidence, n’est pas le cas ! Mais je vous la montre quand même car elle illustre parfaitement ce qu’est la notion de « poids » d’un sujet sur une photo. En effet, bien que la barque occupe une surface beaucoup plus importante, la bouée trouve une sorte d’écho avec le moteur, les deux dans des tons très clairs. Ce sont ces deux éléments, ces 2 points, qui créent l’équilibre sur cette photo, comme deux poids sur les plateaux d’une balance. Si bien que le regard « navigue » entre eux deux, sans se fixer sur la barque.

On pourrait dire les choses autrement : si le sujet principal avait été la barque, cette photo, sans parler d’esthétique, serait ratée, car les deux points blancs lui volent la vedette.

En continuant de me déplacer, j’ai finalement opté pour cette image où la deuxième bouée, qui a disparue, est remplacée par la tache claire sur le bâbord de l’étrave. Je n’en suis pas complètement satisfait, mais je voulais vous montrer ces photos pour deux choses :

  1. Lorsqu’on a une idée de photo, il faut se déplacer, bouger, s’accroupir, bref, multiplier les positions et les clichés : on n’arrive que rarement au résultat souhaité dès la première prise de vue ( vivez cette démarche en live en visionnant ce tuto sur la chaîne coaching-photo)
  2. Il faut admettre que parfois on n’y arrive pas, même après plusieurs tentatives. Ça ne doit pourtant pas vous décourager d’adopter cette démarche : la réussite est beaucoup plus souvent au rendez-vous que l’échec !
 

3 petits points… (ou davantage !)

 

Ça se complique !

 

Pour mettre en relation 3 points ou plus, ça devient déjà beaucoup plus compliqué.

Et là, il n’y a que deux possibilités, dont chacune réclame du temps :

  1. Soit vous pouvez vous déplacer pour aligner vos points à votre convenance (ou déplacer ou faire déplacer vos points). Dans ce cas, adoptez la démarche évoquée précédemment.
  2. Soit vous n’avez aucune prise sur les événements et vous attendez que les points se placent d’eux-mêmes d’une manière intéressante, susceptible de faire une bonne photo.

Regardez cette photo : est-elle intéressante ? Non ! Je n’ai du prendre que deux ou trois photos à cet endroit, puis j’ai passé mon chemin. Si j’étais resté plus longtemps, peut-être aurais-je eu un meilleur cliché, mais je me suis dit, peut-être à tort, que cela ne « valait pas le coup » :

 

On peut anticiper

 

Mais il arrive parfois que, même si on n’a pas une prise directe sur les événements, on ait la capacité d’anticiper, peu ou prou, ce qui va arriver. Dans ce cas de figure, il faut de la patience et être prêt à déclencher au bon moment, qui ne se représentera peut-être pas deux fois !

Pour cette photo par exemple, j’ai repéré leur mouvement et j’ai attendu que les bateaux (qui représentent nos points) soient à peu près équidistants l’un par rapport à l’autre, pour montrer le cheminement tranquille sur ce bras de rivière. Si deux bateaux avaient été plus rapprochés que les autres, ils auraient concentré toute l’attention, ce que je voulais éviter.

 

Préparation et patience sont les mots-clés !

 

L’anticipation a également à l’origine de cette série de photo. Mais avec un ingrédient en plus : la patience !

J’ai repéré le manège des parapentes le long de la falaise, et j’ai pensé que cela pourrait faire une photo intéressante. Et ce d’autant plus que j’ai remarqué la similitude entre leur forme et celle des pins sur la droite de l’image : ah, si je pouvais les faire correspondre !

Me voilà donc en quête d’une bonne photo. Je prête attention à leurs mouvements, au temps qu’ils mettent à traverser la scène, je commence à prendre quelques clichés : me voilà prêt à attendre le bon moment.

Et quand on se prépare de la sorte, il n’est pas rare que ce moment arrive : c’est le cas dans cette image où la forme des deux parapentes fait écho à celle des deux pins. Avec, en prime, comme quoi il y a des petits miracles dans le monde des photographes, un goéland qui s’incruste au bon endroit et au bon moment pour, avec les parapentes et les pins, former une ligne imaginaire qui suit la courbe de la falaise ! Cinq points sur la même photo ! Inespéré !

Mais il faut croire que j’avais plutôt bien anticipé les choses puisque, assez naturellement, un troisième parapente a surgi de l’horizon :
Résumons :

  • Les points sont un élément de composition important
  • Leur placement et la relation qu’on établit entre eux permet ou non d’équilibrer cette composition
  • Les points ont un « poids » : jouer sur ce « poids » contribue également à l’équilibre de la photo
  • La patience est une vertu indispensable au photographe

Alors maintenant, à vos appareils ! Et diffusez vos photos utilisant des points comme éléments de composition sur ce blog (conditions d’envoi).

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